Anamnèse/Commémoratifs

Panda est une chienne croisée border collie stérilisée de 10 ans, reçue en consultation pour des difficultés respiratoires évoluant depuis le jour même. Aucun antécédent médical particulier n’est rapporté. Les vaccinations et les traitements anti parasitaires externes et internes sont à jour.

Examen clinique

Panda est abattue, et présente une dyspnée expiratoire, associée à une tachypnée (fréquence respiratoire évaluée à 50mpm). Aucun épisode de toux n’est rapporté. L’auscultation cardio pulmonaire montre des bruits pulmonaires augmentés, avec la présence de sifflements. Aucun souffle cardiaque n’est audible, mais les bruits cardiaques sont diminués. Le pouls fémoral est net et concordant.

Panda présente une déshydratation estimée à 2%.

La température rectale est normale, les nœuds lymphatiques périphériques sont de taille normale

Liste des anomalies

À ce stade, les principales anomalies retenues sont une dyspnée expiratoire évoluant depuis le jour même, avec une absence de toux, des bruits cardiaques diminués à l’auscultation, associés à un abattement et une discrète déshydratation, chez une chienne croisée border collie de 10 ans.

Diagnostic différentiel

Une dyspnée de type expiratoire, associée à une absence de toux, indique une atteinte des voies respiratoires basses. Les principales hypothèses diagnostiques sont regroupées dans le tableau 1. Une origine cardiaque est possible, même en l’absence de souffle audible. Une néoplasie pulmonaire parait également crédible chez une chienne de 10 ans, tout comme une atteinte de l’espace pleural.

Tableau 1 : Principales hypothèses diagnostiques retenues pour Panda

Démarche diagnostique

Dans un premier temps, des radiographies thoraciques sont réalisées (figures 1 et 2).

Les clichés montrent la présence d’un épanchement pleural.

 

Figures 1 et 2 : Radiographies thoraciques face et profil de Panda

Les épanchements sont classiquement regroupés en transsudat, exsudat, chylothorax et hémothorax, selon leur cellularité, leur teneur en protéines, leur densité ainsi que l’analyse cytologique. À chaque type d’épanchement sont associées des étiologies spécifiques (figure 3)

 

Figure 3 : Classification des principaux types d’épanchement, et leurs principales spécificités

Une ponction du liquide d’épanchement par thoracocentèse a été réalisée. Le liquide apparait

 

Figure 4 : Liquide d’épanchement pleural, après ponction.

Une analyse cytologique, associée à une bactériologie ont été réalisées. La bactériologie est revenue négative, permettant d’écarter avec confiance toute hypothèse de pyothorax. L’analyse cytologique montre un liquide très protéique, composé de petits lymphocytes et de macrophages, très riche en graisse (figure 5).

 

Figure 5 : Cytologie du liquide d’épanchement pleural (laboratoire cerbavet)

La confirmation de la nature de type chylothorax de l’épanchement passe par la comparaison des taux de cholestérol et de triglycérides dans l’épanchement et dans le plasma. Un épanchement de type chyle présente un taux de choléstérol inférieur au taux plasmatique, et un taux en triglycérides supérieur à la concentration plasmatique. Dans le cas de Panda, les analyses ont confirmé ce diagnostic (figures 6 et 7).

Figures 6 et 7 : Comparaison des taux de cholestérol triglycérides dans le plasma et le liquide d’épanchement.

Par ailleurs, un bilan hémato biochimique a été réalisé, qui n’a pas révélé d’anomalie.

À ce stade des investigations, le diagnostic est un chylothorax, dont l’origine reste à déterminer. Les principales causes de chylothorax sont résumées dans le tableau 2. Une origine congénitale à 10 ans parait peu probable, même si elle ne peut pas être écartée avec certitude. Aucun trauma n’est rapporté par les propriétaires. Les hypothèses principalement retenues sont une néoplasie, une cardiopathie ou une origine idiopathique. Pour explorer ces différentes hypothèses, une échocardiographie, un scanner et un lymphagioscanner doivent être réalisés.

Tableau 2 : Principales étiologies du chylothorax

L’examen scanner, associé à une séquence de lymphangiographie est revenu sans anomalie, en particulier le canal thoracique apparait d’aspect usuel, sans fuite objectivable (figures 8 et 9).

Figure 8 : Compte rendu du scanner de Panda (Vetslice)

Figure 9 : Image scanner du canal thoracique (Vetslice)

L’échocardiographie a mis en évidence une maladie valvulaire dégénérative mitrale de stade B1 ACVIM stade 1, caractérisée par un reflux mitral mineur sans rupture de cordage et sans conséquence cavitaire.

A la suite de l’ensemble de ces examens, aucune cause sous-jacente au chylothorax n’a pu être mise en évidence. Le diagnostic pour Panda est donc un chylothorax d’origine idiopathique. 

Prise en charge chirurgicale

La prise en charge chirurgicale a consisté en la ligature du canal thoracique en abord transdiaphragmatique, associée une ablation de la citerne du chyle sous coelioscopie, et la mise en place d’un drain thoracique permanent et temporaire.

Prise en charge médicale et nutritionnelle

Des rations ménagères, avec une teneur pauvre en graisse, ont été réalisées (au poisson et au poulet). Par ailleurs, la rutine a également été prescrite à la dose de 50 mg/kg trois fois par jour.

Suivi

Un suivi clinique et radiographique a été réalisé 1 mois et 3 mois après la prise en charge chirurgicale (figures 10 et 11), montrant une absence de récidive du chylothorax.

Figure 10 : Radiographie à 1 mois Figure 11 : Radiographie à 3 mois.

Panda a été vue en consultation six mois après la chirurgie, pour une vaccination, elle se porte très bien.

Discussion

Ce cas illustre un cas de chylothorax idiopathique, affection peu fréquente chez le chien et le chat. Un article de revue datant de 2019 relève 11 articles scientifiquement pertinents sur 27 ans (Reeves, 2019).

Le diagnostic passe par une démarche d’investigation rigoureuse : le liquide d’épanchement pleural doit être analysé, en particulier les taux de cholestérol et de triglycérides dans l’épanchement et le plasma doivent être comparés. Puis, les principales étiologies doivent être exclues, en particulier une néoplasie et une cardiopathie, par une échocardiographie et un scanner/lymphangioscanner. Chez le chien, le chylothorax reste idiopathique dans 15 à 50% des cas.

La prise en charge d’urgence passe par la ponction thoracique, qui permet, en plus de l’évacuation de l’espace pleural, l’analyse du liquide. Mais cela ne permet pas une prise en charge sur le long terme. La prise en charge de référence sur le long terme est chirurgicale. Différentes procédures sont décrites, incluant la ligature du canal thoracique, une pericardectomie subtotale, ainsi que l’ablation du citerne du chyle, seules sous en association (Singh, 2012). Dans le cas de Panda, la technique chirurgicale utilisée est une ligature du canal thoracique associée à une ablation de la citerne du chyle, avec des taux de réussite décrits dans cette variant de 83 à 87,5. La médiane de survie est de 210 jours (2-1328 jours) (Singh, 2012). Mais la pronostic  du chylothorax dépend de la présence ou non d’une cause sous-jacente, du type de prise en charge choisi, ainsi que l’expérience du chirurgien.

La prise en charge nutritionnelle passe par la mise en place de rations pauvres en graisse permettant de réduire le volume total de chyle produit. Toutefois, peu de preuves existent sur l’efficacité de cette prise en charge. Par ailleurs, la rutine est également fréquemment utilisée comme traitement adjuvant, avec très peu d’effets secondaires, mais peu de preuves existent sur son efficacité.

Bibliographie

  • Singh A, Brisson B, Nykamp S. Idiopathic chylothorax in dogs and cats: nonsurgical and surgical management. Compend Contin Educ Vet. 2012 Aug;34(8):E3. PMID: 22935991.
  • Reeves LA, Anderson KM, Luther JK, Torres BT. Treatment of idiopathic chylothorax in dogs and cats: A systematic review. Vet Surg. 2020 Jan;49(1):70-79. doi: 10.1111/vsu.13322. Epub 2019 Sep 11. PMID: 31508821.

Remerciements

Je remercie l’ensemble du personnel des services de chirurgie et de cardiologie du CHV de l’ENVA, pour leur aide dans la prise en charge de Panda, en particulier le Pr. M. MANASSERO.

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